En juin 2021, Ateliers d'Art de France a désigné les quatre lauréats du Prix de la Jeune Création Métiers d'Art. Quatre artistes de la matière qui associent les savoir-faire d'exception à un univers très personnel.
Cette année encore, les quatre lauréats du Prix de la Jeune Création Métiers d'Art cochent toutes les cases : maîtrise technique d'un savoir-faire, qualité artistique, approche innovante. Depuis 1960, ce prix organisé par Ateliers d'Art de France, syndicat professionnel des métiers d’art, distingue les représentants les plus audacieux d’une génération d’artisans d’art de moins de 35 ans. Qu'elle travaille la terre, le bois ou la plume, la promotion 2021 laisse la force du vivant s'exprimer dans ses pièces. Comme s'il fallait à ces jeunes artisans d'art évoquer, au-delà de la nature même, tout ce qui mute et évolue. C'est le cas chez la céramiste Aster Cassel, aux pièces purement surréalistes. Tournées en porcelaine, ses créations sont inspirées par l'évolution du vivant, les processus scientifiques, la génétique ou la robotique. De leur silhouette dodue émergent des animaux fantastiques ou de petits mécanismes, tous modelés à la main. On voyage entre Jules Verne et la mythologie. Les décors appliqués au pinceau sont ensuite rehaussés d'or ou de métaux précieux. « Le dessin et le volume s'enrichissent, précise Aster Cassel, pour donner corps à des sculptures narratives ». Qui témoignent d'un monde utopique, à moins qu'il ne soit en train d'émerger à notre insu.
Félix Bouchet, lui, a développé une sensibilité toute particulière au bois. Peut-être parce qu'il a passé son enfance au milieu des forêts, en Touraine. Mais c'est dans le Vermont américain qu'il s'est pris d'intérêt pour la fameuse chaise Windsor, un siège confortable et populaire. Le jeune artisan chaisier a fait de sa forme singulière la matrice de ses propres créations. « J'essaie de garder la technique ancestrale intacte, tout en simplifiant la forme. Pour rendre cette géométrie spécifique plus contemporaine et adaptée à nos usages ». L'assise est sculptée dans la masse. Le bois, souvent vert, est utilisé dans sa fibre, jamais en planche, pour garder dans la silhouette de la chaise le mouvement propre à l'arbre.
Marion Hawecker et Célia Suzanne maîtrisent elles aussi parfaitement les techniques ancestrales de leurs disciplines. Mais elles n'hésitent pas à retravailler l'héritage à leur guise. Comme tous les plumassiers, Marion Hawecker découpe, sculpte, noue la plume d'oiseau, cherchant à restituer la nature dans ses créations. Mais là où l'on attend des motifs floraux ou animaliers, voilà des roches entrouvertes, des replis de terre où germent et prolifèrent des microcosmes... « Je sors des conventions avec des thèmes minéraux, tectoniques, bactériologiques où frissonnent des départs de vie », explique la plumassière dont les pièces, sensuelles et soyeuses, suscitent inévitablement la caresse. Chez Célia Suzanne aussi, on aimerait toucher la surface intrigante de ses décors marquetés. Surtout lorsqu'ils associent le bois et le crin de cheval, travaillés en volume. La marqueteuse a choisi d'ouvrir sa discipline à d'autres matériaux comme le parchemin, le textile, les matières plastiques... Ces juxtapositions inédites donnent lieu à des effets de lumière saisissants.
Révélant chaque année une nouvelle génération de créateurs, témoin de l’attractivité toujours plus forte de ces métiers, et de la détermination de ces jeunes créateurs, Ateliers d'Art de France offre aussi à ses lauréats un véritable tremplin professionnel. Chacun d’eux sera accueilli sur un salon d'envergure, et c’est tout ce qui fait la singularité de ce Prix : Maison&Objet Paris, la biennale Révélations ou le Salon International du Patrimoine Culturel. À la clé : rencontrer des professionnels des métiers d'art, gagner en visibilité auprès du public et de la presse. « Et en crédibilité, assure Félix Bouchet qui exposera en septembre prochain sur Maison&Objet Paris. Car le métier d'artisan chaisier, méconnu en France, mérite d'être mis en avant ».
Par Valérie Appert