Avec elle, un séjour à l’hôtel ou une journée au bureau est une expérience exclusive où art de vivre se conjugue avec efficacité. Qui est cette architecte d’origine serbe, qui travaille avec les plus grands ?
C’est pour la pertinence de ses solutions que le studio d’architecture intérieure d’Ana Moussinet est appelé pour concevoir des hôtels de luxe dans le monde et des espaces de convivialité dans des bureaux prestigieux. Les concepts hôteliers comme l’univers du travail sont en plein bouleversement. Celle qui a placé l’humain au centre de ses préoccupations observe cette évolution rapide avec une certaine gourmandise. « Aujourd’hui, on travaille où on veut, quand on veut, mais tout le temps, dit-elle. À partir du moment où on se sent bien, on peut travailler partout.» Le groupe ACCOR lui est fidèle, pour ses collections MGallery et Sofitel, dont elle a signé plusieurs établissements à Prague, Doha, Odessa ou Rabat. À Paris, elle vient de concevoir les lounges et salles de conférence de l’ensemble de bureaux Louvre-Saint-Honoré et achève les espaces de vie de l’immeuble du 83 Marceau réhabilité par Dominique Perrault, les deux pour le compte de la Société Foncière Lyonnaise.
Sa passion est de concevoir des lieux de partage où l’art de vivre est à la base du bien-être. Au Louvre Saint-Honoré, la culture est déjà inscrite dans la situation géographique : entre le Louvre et le Ministère de la culture. Au rez-de-chaussée s’installera en 2023 la Fondation Cartier, conçue par Jean Nouvel. Alors Ana Moussinet a disposé des œuvres partout, avec l’aide de la galerie Amélie, Maison d’Art. Elles dialoguent avec le mobilier dessiné sur mesure pour le lounge, qui n’est plus qu’un très loin cousin de « la cafeteria » du XXème siècle : tables basses en lave émaillée profonde, fauteuils et canapés en cuir, velours, feutrine, murs en bois cannelé, ambiance feutrée et luxueuse. «Les immeubles tertiaires sont devenus des paquebots sans âme. J’ai voulu apporter une bouffée d’air. » Un art de recevoir aussi, puisqu’on est fier d’organiser ses rendez-vous, dans ce lieu bien plus exclusif qu’un restaurant en ville. Dans l’hôtellerie, là encore, Ana Moussinet accompagne le bouleversement des usages. «Autrefois, la chambre d’hôtel était faite pour dormir, nous passions beaucoup de temps sur la mise en scène du lit. Nous valorisons aujourd’hui le confort au travail, en proposant autre chose qu’une tablette et une chaise contre un mur. » À la place, l’architecte scénarise un coin salon, avec sofa et tables de hauteur différentes pour poser là son thé, ici son Lap Top et répartir ses dossiers. Son studio finalise, pour le groupe Accor hôtels, MGallery à Lille et, encore plus exceptionnel, les RITZ Residences à Dubaï.
Ana Moussinet a grandi à Belgrade, dans une famille slave orthodoxe, où l’on est artiste de génération en génération. « J’étais entourée depuis toute petite d’architectes, d’architectes d’intérieur, mon grand-oncle est un peintre mondialement reconnu, ma grand-mère ingénieur béton. Mes deux parents ont fait les Beaux-Arts de Belgrade, je vois des nus depuis mon plus jeune âge ! Cela m’a permis de construire mon regard sur les formes, les ombres, les corps… » Dans ce cercle intime, on cultive l’amour de la culture française. À 16 ans, la jeune fille s’envole d’abord pour les États-Unis, avant d’intégrer les Beaux-Arts à Paris, section architecture. « Quand vous naissez en Serbie on vous apprend très vite les langues étrangères, car personne ne parle la vôtre. Le monde s’ouvre à vous, vous êtes bien partout. J’applique cette philosophie dans mon travail : je n’ai aucune frontière. » Le style d’Ana Moussinet est souvent qualifié de « très parisien » de par son élégance et son raffinement. « J’ai reçu l’art de vivre à la française par petites touches, d’abord la magie d’étudier au Louvre les œuvres de Degas, puis mon métier m’a ouvert certaines portes intellectuelles. Mais c’est impossible à codifier. » Architecte diplômée, Ana Moussinet s’est très vite spécialisée dans l’intérieur, car sa sensibilité la porte à s’intéresser au contact intime avec le public avec un sens poussé du détail. « Ma formation crée un dialogue complice avec les architectes qui construisent les bâtiments où j’interviens. J’intègre une vision globale du site, son histoire, son pays, son exposition, ses extérieurs, sa végétalisation, comment il se vit à chaque heure de la journée.» Ana Moussinet explore maintenant une autre dimension du design : l’objet. Habituée à créer du mobilier sur mesure pour ses clients, elle ouvre certaines de ses créations à l’édition. Après le miroir Good Vibes pour Ligne Roset, d’autres pièces exclusives sont en préparation avec La Manufacture.
FRENCH WAY OF LIFE / HÔTELS ET BUREAUX POST-COVID : UN NOUVEL ART DE VIVRE À LA FRANÇAISE
TALKS / DIGITAL DAYS MAISON&OBJET AVRIL 2021