Les drôles d’oiseaux de Studio ROOF

À Amsterdam, les fenêtres de Studio ROOF donnent sur une petite place tranquille, avec sa jolie fontaine et ses vélos garés au pied de vieux bâtiments en briques typiques de la capitale des Pays-Bas. Romy a repeint les murs en rose pâle et bleu Klein. C’est dans cette atmosphère douce et un peu bohème que travaillent les sept membres de son équipe, à imaginer et commercialiser les drôles de personnages multicolores qui viendront égayer les murs des maisons de leurs clients. Il y a seize ans, Romy et son mari Ilya créaient une maison en carton pour enfants, toute blanche, et qui se monte par pliage et emboitage. On pouvait y peindre tout ce qu’on voulait dessus et jouer des heures à l’intérieur. L’imagination et le jeu : le couple avait déjà mis dans leur première création les deux valeurs fondamentales qui allaient devenir les piliers de leur future entreprise. 

À l’époque, Romy travaillait dans la communication. Ilya était architecte. Ils s’étaient rencontrés quelques années auparavant alors que Romy la Néerlandaise était venue étudier la littérature russe à Moscou, avant de tomber sous le charme slave de cet étudiant en architecture. Leur drôle de maison Casa Cabana n’était au départ qu’un coup d’essai spontané, mais très vite, la presse s’en est emparée, faisant de la petite maison un vrai succès viral. Le couple crée alors Kidsonroof, des motifs en carton destinés aux enfants avec l’idée qu’ils pourront les construire eux-mêmes à leur façon et développer ainsi leur imagination. Ilya dessine, Romy y ajoute ses couleurs gaies et subtiles. Tous deux s’inspirent d’une nature rêvée, peuplée d’oiseaux des îles, de scarabées, de papillons et de libellules chatoyants, de fleurs… Leur matière première, le papier cartonné, offre des possibilités infinies. L’idée de départ est de s’adresser aux enfants, Romy et Ilya en ont trois. Avec le temps, le couple élargit son spectre, et se donne la possibilité de décorer toute la maison. Kidsonroof devient Studio ROOF. «  Il n’y a pas d’âge pour l’imagination et le sens du jeu, dit Romy. C’est la clé de la vie. » Dans leur catalogue, on trouve désormais de grandes feuilles d’arbres pour décorer la table ou les murs, des animaux de la jungle, d’élégants masques ethniques aux couleurs tendance, des mobiles, des poissons exotiques et des algues stylisées. 

« Nous souhaitons être les plus écologiques possibles »

Ilya et Romy possèdent une petite cabane de vacances dans le sud de la France, sans eau courante ni électricité, et aiment par-dessus tout le plaisir de se baigner dans les cascades sauvages des environs… « Ilya est Russe, il a passé son enfance en vacances dans des datcha à la campagne, il n’a peur de rien ! » sourit Romy. Si la nature les inspire, ils le lui rendent bien : chaque création est imprimée avec des couleurs végétales sur du carton recyclé, dans des imprimeries bardées de certifications. Ils soutiennent l’association néerlandaise Trees for All, qui a déjà planté cinq millions d’arbres et restauré trente-deux forêts dans le monde. «  Nous souhaitons être les plus écologiques possibles », dit Romy. Elle fait partie de l’association Karm Mag, qui fournit un enseignement scolaire à des enfants et adolescents indiens. Leur moyen de transport préféré est le train, et s’ils doivent prendre l’avion, ils payent une compensation carbone. Compensation nécessaire quand ils s’envolent pour des salons internationaux en Asie ou aux Etats-Unis. Ils sont aussi fidèles, deux fois par an, à Maison&Objet Paris. « Nous avons hâte d’y retourner, cette ambiance me manque tellement, dit Romy. Le contact avec nos clients, et aussi avec les autres exposants du monde entier dont certains sont devenus des amis. C’est toujours un moment extraordinaire où nous sortons tous dîner ensemble à Paris, en échangeant nos expériences, en nous soutenant mutuellement. » 

Romy parle français et a noué des liens spéciaux avec les distributeurs locaux. « Les Français sont particulièrement sensibles à la poésie », remarque-t-elle. Leur petit stand, au départ de 6 mètres carrés, a bien grandi. Pour eux, le succès a été immédiat. Ils sont désormais vendus dans le monde entier, en particulier dans les boutiques de musées. Un jour, Pascale Mussard, alors co-directrice artistique de la maison Hermès, est venue les trouver à Amsterdam. Elle leur a offert de devenir l’une des signatures de sa ligne « petit H », des pièces uniques réalisées dans des chutes et des rebus de matières précieuses des ateliers Hermès. Ainsi, ils ont imaginé avec elle des chandeliers en cuir de crocodile ou de serpent, des chevaux et des cerfs en cuir cousus au point sellier, des oiseaux en morceaux de porcelaine suspendus à des cordelettes en chutes de soie, dont on fait des cravates. Comme Romy et Ilya, la grande marque de luxe internationale avait bien compris que l’imagination et l’envie de jouer n’a décidément ni âge, ni frontière. 

Par Caroline Tossan
Illustration © Sarah Bouillaud

studioroof.com